Auteurs de la
lecture : le groupe local 06 de l'AFL et plus particulièrement Claire
p., Elodie h., Dominique S., Marie-Claude d., Annie S., Patrica r.,
Monique p., Sebastien h. (Tiré du site http://lecture.org)
1) L'auteur 2) L'objet-livre ou le
paratexte a) Edition b) Couverture c) Illustrations
d) Mise en page 3) L'histoire a) Résumé b)
Personnages c) Cadre temporel d) Cadre géographique 4)
L'organisation en fonction des chapitres 5) L'écriture a)
Récit et discours b) Style c) Valeur des temps d) Champs
lexicaux e) Enonciation e) les noms propres f) le déménagement
g) l'état d'esprit h) Oppositions 6) thèmes
a) Le journal intime et la relation auteur/narrateur b)
Violence et racisme 7) Réseau a) Le journal intime
b) Racisme c) La violence d) La tolérance e) Le Maghreb
f) Les chasseurs Erreur ! Signet non défini. g) L'opposition
adulte/ enfant h) Le chat
1) L'auteur
Didier Daeninckx est né à Saint-Denis
(Seine-Saint-Denis) en 1949 et habite Aubervilliers depuis longtemps. Sa
vie semble liée à celle de la classe ouvrière. Il fait des études sans
histoire jusqu'en seconde, puis, à dix-sept ans, un peu par hasard, il
entre dans une imprimerie. " Je ne me souviens pas vraiment comment je
suis devenu écrivain. C'est quelque chose de l'ordre du mystère. Je sais
en tout cas qu'au cours de ma dernière année de travail salarié dans
l'imprimerie, j'ai imprimé pendant un an le même formulaire. Je me
souviens de ça. Pendant un an j'ai imprimé le formulaire de réparation des
voitures Renault : trois mois sur papier bleu, trois mois sur papier rose,
trois mois sur papier jaune. Après, on faisait des liasses. Je venais au
boulot dans un état de folie, d'échec. Pendant des mois comme ça, c'est le
sentiment total de l'inutilité. Alors j'ai complètement cassé avec le
travail. Je me suis mis volontairement au chômage. Et la façon de me
sortir d'un état où je prenais des cachets pour me réveiller, des cachets
pour dormir, où je me disais : "Je vais imprimer des formulaires de
réparation des voitures Renault jusqu'à soixante-cinq ans, je vais en
imprimer des millions", la seule façon a été d'écrire des pages qui
étaient toutes différentes, donc d'écrire un roman où on n'écrit pas une
ligne qui soit pareille à celle qui précède. Pendant trois mois, j'ai
écrit de cette manière-là un premier roman qui a été une sorte de bouée de
sauvetage. " Ensuite, il sera animateur culturel en banlieue nord de
Paris, puis pigiste dans des publications municipales. Là, il se donne un
style, court, allant à l'essentiel. Au chômage, il écrit son premier
roman, Mort au premier tour, refusé par plusieurs éditeurs avant
que les éditions Le Masque ne lui donnent sa chance. Il mêle, avec art
et hargne, Histoire et polar : la première Guerre mondiale dans Le der
des ders ou la guerre d'Algérie dans Meurtres pour mémoire. Il
est également l'auteur de nombreuses nouvelles qui décrivent le quotidien
sous un aspect tantôt tragique, tantôt ironique, et dont le lien pourrait
être l'humour noir. Sa définition du roman policier ? : " Un type de
roman dont l'objet se situe avant la première page. " Du roman noir ? : "
Un roman de la ville et des corps en souffrance. "
2) L'objet-livre ou le paratexte a) Edition
Le premier volume du Chat de Tigali a été publié en 1989
dans la collection Souris noire des éditions Syros-Alternatives, avec des
illustrations de Vincent Descotils. Notre édition de référence est
celle de 1997, Mini Souris Noire, chez Syros jeunesse. Mini Souris Noire
est une collection qui présente surtout des polars pour jeunes lecteurs.
Elle se veut ancrée dans la réalité et aborde des thèmes généralement peu
présentés aux enfants : l'argent, le crime, le chômage, la délinquance et,
comme dans Le chat de Tigali, le racisme. Les héros sont
habituellement des enfants.
b)
Couverture Le résumé de la 4ème de couverture révèle des
informations qui sont implicites du moins au début du livre (exemple : le
retour en France). Le dessin d'Antonin Louchard sur la couverture
présente un chat avec un pelage jaune à points noirs qui évoque plutôt un
félin ou un animal sauvage d'un pays du Sud, d'autant que l'on distingue
un arbre ressemblant à un arbre d'Afrique (palmier).
c)
Illustrations Aucune illustration à l'intérieur du livre. Pas
d'illustration sauf celle de couverture. Sur fond noir, un chat jaune
tigré, de la même couleur que la lune, saute sur un sol orangé avec
l'ombre noire du chat au sol. Un palmier à gauche peut laisser deviner le
pays d'origine. Aucune précision n'est donnée par la suite dans le
livre sur la réelle couleur du pelage excepté " sa robe claire "
(dimanche 27/09). On peut noter aussi que le chat est dans la nuit.
Pourquoi dans la nuit ?
d) Mise
en page La première partie est la plus longue (cinq pages), les
autres ne dépassent pas deux pages. Les textes sont volontairement
courts dans cette collection. Le texte complet tient en 27 petites pages.
Chaque chapitre a pour titre la date (sans année), comme on écrit le matin
la date au tableau en classe. En haut de chaque page paire, le titre
est rappelé : Le chat de Tigali. En haut de chaque page impaire est
notée la collection : Mini Souris Noire avec le logo. Chaque page est
numérotée.
3) L'histoire a)
Résumé Le chat de Tigali regroupe, comme le précise l'en-tête du
livre, des notes du journal de François Huet. Celui-ci est un instituteur
dont la coopération en Kabylie prend fin après plusieurs années. Le texte
commence lorsqu' à la fin du mois d'août François Huet, sa femme et leur
fille décident de ramener leur chat Amchiche avec eux en France. Ils
emménagent ensuite à Saint-Martin, près de Marseille. Cependant, Amchiche
n'est pas le bienvenu dans le village, car il est d'origine étrangère.
Dans le mois suivant l'arrivée de la famille, il est blessé, puis menacé
de mort par lettre anonyme. Au mois de novembre, Amchiche est retrouvé
mort empoisonné. Peu de temps après, François Huet découvre, par hasard,
qui est le coupable. Le jour de Noël, plusieurs élèves de François Huet
viennent, à tour de rôle et sans s'être concertés, donner un chaton à leur
instituteur, expliquant que leur chatte vient de mettre bas. Quelques mois
plus tard, la famille vit avec ces chatons qui ressemblent tous à
Amchiche.
b)
Personnages François Huet :
narrateur, instituteur, était en coopération à Tigali, village proche de
Tizi-Ouzou, depuis plusieurs années puis muté à Saint Martin (près de
Marseille). Il est présenté en introduction du livre avant la première
date, en tête du texte : extraits du journal de François Huet,
instituteur. Il est à l'écoute de sa fille. Sonia : elle est présentée en deuxième page :
" A la maison, Sonia ferme les volets ". On déduit sa relation avec
l'instituteur : Sonia a posé sa tête sur
mon épaule et ses pensées sont parallèles aux miennes... Vanessa : fille de François Huet et Sonia, née en
Kabylie. On devine qu'il s'agit d'une enfant " quand la voix zozotante
de Vanessa s'éleva jusqu'à moi ". Son rôle est amplifié par le
dialogue : " Moi aussi je suis née ici… Vous n'allez pas me laisser
quand même… " Comme sa mère, elle est présentée implicitement au
premier chapitre 1, en même temps que son rôle. " Vanessa troubla
l'ordre des choses, un soir de juin, alors que nous cueillions ensemble
les premières pêches du verger. " Le chat
Amchiche : Il est présenté dans l'action. Il a un statut de
seigneur et une grande liberté. ...régner en maître sur la nuit des
chats de Tigali… …donnait l'impression d'accorder une faveur
exceptionnelle en acceptant une caresse ou un bol de lait… …tout juste
s'il a consenti à se montrer.. …un véritable seigneur… …plus haut
sur pattes, plus élancé, une grâce inconnue de ce côté de la
Méditerranée… Il transmet ce statut à ses petits : " pas un
n'accepte de se laisser prendre dans les bras " Les chats de France sont présentés " au pelage
terne " " Même brossés, la comparaison tournerait à son avantage
[celui d'Amchiche] ". Les hommes du
village (chapitre 1) Le chauffeur de
taxi (chapitre 2) Aurélie :
poupée de Vanessa Les élèves en
France, d'abord présentés comme fatigués et n'ayant comme
référence que la télé, puis, " comme s'ils se sentaient …coupables
du silence de leurs parents " enfin, trois d'entre eux, Cédric, Elodie
et Judicaël apportent furtivement un chaton à François Huet. Les veuves de Saint Martin : nourrissent les pies
dont certaines sont tuées par les chasseurs à l'ouverture de la chasse
(chap.5) ; c'est une d'elles qui trouve le cadavre d'Amchiche (le 13
novembre). Les vieilles aux pies et les enfants sont les seuls habitants
de Saint-Martin qui sont présentés de façon sympathique. "Elles
apprivoisaient les pies" p15, "une des vieilles ramène le chat,
après l'avoir récupéré et enveloppé". Le
corbeau : surnom que François Huet donne à l'auteur des lettres
anonymes. Le vétérinaire
(chap.8) Le maire (Eugène Mouillot),
Jean-Marie Piquebois (président du
syndicat d'initiative), Lambert
(dresseur de chiens d'attaque, propriétaire d'un chenil) : chasseurs
racistes et tueurs du chat. Une femme
blonde accompagnant les trois hommes, drapeau au 11
novembre François Mouillot : fils
benjamin du maire, amène le premier chat
c) Cadre
temporel
Date |
|
Événement |
Structure narrative |
Calendrier scolaire |
1.
Vendredi 21 août |
Tizi-Ouzou |
préparation du départ |
Présentation des personnages, amorce du récit |
Fin
des vacances scolaires |
2.
Samedi 22 août, taxi, avion |
|
jour
du départ |
|
|
3.
Dimanche 23 août |
Saint-Martin |
installation |
|
|
4.
Mercredi 16 septembre |
|
réflexion sur les élèves |
|
Jour
de congé et vendanges |
5.
Dimanche 27 septembre |
|
Amchiche est blessé par des chasseurs, qui ont cherché à
le tuer. |
Péripétie, début du drame |
La
chasse |
6. Jeudi 22 octobre, un mois plus tard |
|
convalescence d'Amchiche, première lettre anonyme.
|
Menace |
|
7.
Mercredi 11 novembre, férié |
|
seconde lettre |
Menace |
Congé
scolaire |
8.
Vendredi 13 novembre |
|
mort
d'Amchiche |
Passage à l'acte |
Jour
des superstitieux |
9.
Mercredi 23 décembre |
|
courses du réveillon, découverte des meurtriers |
Dénouement |
Vacances scolaires |
10.
Jeudi 24 décembre |
|
joie
du soir de Noël |
|
|
11.
Vendredi 25 décembre |
|
les
enfants du village apportent des chatons |
|
|
12.
Lundi 29 mars |
|
les
chatons grandissent |
Conclusion |
3
mois après |
L'ensemble du livre
ne comporte pas d'indication de l'année où se déroule l'histoire.
Cependant la référence à " la Cinq, Canal + " (mercredi 16 septembre)
permet de penser qu'il s'agit du milieu des années 80, qui fut marqué par
la montée de l'extrême droite. Il s'agit d'une histoire contemporaine
bien ancrée dans un contexte socio-politique de racisme
quotidien.
d) Cadre
géographique Description du cadre (électricité chacals, ânes,
prière, récoltes, pêches du verger…) Le premier chapitre (vendredi 21
août) plante rapidement le décor. Si le lieu où l'histoire se déroule
n'est pas indiqué d'emblée, de nombreux éléments descriptifs apparaissent
dans ces premières lignes et font immédiatement penser que nous sommes au
bord de la Méditerranée : oliviers, collines, chemin calcaire, poussière,
jeep de Radam. Dès la troisième phrase, le lecteur est amené en Afrique :
" bientôt la pointe rocheuse de Tigourn encornera le soleil ".La
chaleur est intense. Le narrateur prévoit de sortir au moment où le soleil
se cachera derrière les montagnes. Puis François Huet se rend sur la
place du village pour parler avec des hommes. Ceux-ci sont " rassemblés
près du puits ", ce qui marque une nouvelle fois la température
extrême et l'importance de l'eau dans cet endroit aride. Ce paragraphe se
termine par " la route de Tizi-Ouzou " : le décor finit de se
planter en Kabylie. Plus loin dans le même chapitre, lorsque le
narrateur décrit les réactions du chat Amchiche dans la maison quasiment,
le nom du pays " Kabylie " est enfin cité. Enfin, ce même premier
chapitre se termine par la description des bruits de la nuit avant l'appel
du muezzin : François Huet relève " les plaintes des chacals " et
" le braiement des ânes ", dans cette région rurale où les hommes
et les animaux cohabitent, où " les coqs réveilleront le muezzin
".
Au second
chapitre, d'autres éléments en rapport avec la Kabylie sont fournis.
Ainsi, François Huet décrit le départ de la famille vers la France, le
panier de gâteaux offerts par les femmes du village et la traversée en
taxi jusqu'à l'aéroport. Si de nombreux éléments dessinent le cadre
géographique en Afrique du Nord, nous en trouvons peu à propos de Saint
Martin, " le bourg situé au nord de Marseille " (page 11, chapitre
3), où s'installe la famille Huet.
4) L'organisation en fonction des
chapitres Le narrateur est François Huet, un instituteur qui
écrit un journal. L'en-tête du livre précise que certaines notes sont
publiées ici. Cela laisse supposer que son journal intégral comporte
davantage de détails.
Le texte est
réparti en 12 chapitres qui correspondent chacun à un jour. Ils sont de
longueur variable, allant de quelques lignes à cinq pages. Ces extraits
sont des morceaux choisis sur le thème du chat. Les chapitres sont
espacés irrégulièrement dans le temps puisque l'histoire porte avant tout
sur Amchiche et non pas sur la famille. Le chat de Tigali s'étale
sur sept mois. Il commence en été, en pleine chaleur du mois d'août, à
Tizi-Ouzou. Puis, dès le troisième chapitre, 2 jours plus tard, la famille
s'installe à Saint-Martin, près de Marseille. Ensuite, nous suivons les
menaces et blessures faites à Amchiche jusqu'à ce qu'il soit tué 4 mois
plus tard, le 13 novembre, au chapitre 8. Coupure chronologique : les
trois chapitres suivants se déroulent plus d'un mois plus tard, à Noël.
François Huet et sa femme découvrent qui sont les meurtriers, fêtent Noël
puis reçoivent les cinq chatons. Nouvelle coupure de plus de trois mois
: le dernier chapitre clôt alors le texte. Accélération finale.
Spécificité : c'est avec le temps que le métissage et l'acceptation des
chatons se fait. La ponctuation donne parfois des indices d'importance.
Ainsi, au quatrième chapitre, les points d'exclamation marquent la
surprise de François Huet face à la fatigue des élèves.
5) L'écriture a) Récit et
discours Le texte est écrit à la première personne, sous forme de
journal. Le narrateur est en même temps le témoin des faits racontés. Il
est aussi celui qui trouvera les coupables. Le temps utilisé est le
présent de narration. Deux évocations du passé : - La décision
d'emmener le chat - Deux veuves qui apprivoisent des pies sont
écrits au passé simple et imparfait.
Les
dialogues sont peu nombreux mais arrivent aux moments forts de l'histoire
: - La discussion qui amène la décision d'emmener le chat en
France - La réception des lettres anonymes - L'aveu des coupables au
supermarché - Les cadeaux des élèves A qui s'adresse le texte ?
Qui a fait le choix de le publier ? Certains chapitres (3, 4, 5, 8,
10,12) ne contiennent que du récit. D'autres chapitres contiennent du
récit et des répliques plus ou moins longues au style direct. On trouve
également quelques dialogues, ainsi que les paroles d'une chanson et les
citations rapportées des deux lettres anonymes que la famille
reçoit.
La typographie du texte indique toujours clairement de quoi
il s'agit : les tirets et guillemets sont utilisés pour indiquer qu'il
s'agit de style direct ou d'un discours rapporté Ainsi c'est
essentiellement la voix de François Huet que l'on entend. 1 : récit +
style direct + dialogue 2 : récit + style direct +paroles de
chanson 3.4.5 : récit 6 : récit+discours rapporté (lettre) 7 :
récit+discours rapporté (lettre) + dialogue 8 : récit 9 : récit +
style direct + dialogue 10 : récit 11 : récit + style direct 12 :
récit
Cependant,
si le récit semble prédominer, la frontière avec le discours est parfois
floue. En effet, le récit désigne une narration sans référence au
narrateur, marquée par l'objectivité. Au contraire, le discours renvoie à
une narration subjective, dépendante de la présence d'un " je " qui
organise et apprécie les événements. L'écriture même de François Huet ne
nous permet pas de classer précisément la plupart des passages du livre
dans l'une ou l'autre catégorie. S'il existe bien un " je " qui relate
certains événements dans son journal intime, un distance est toujours
maintenue, que ce soit pour reconstituer le cadre de l'histoire, comme
nous y reviendrons plus tard, ou pour cerner la psychologie et les
émotions du narrateur.
b) Style
Le terme de " style " désigne communément la marque personnelle
d'un auteur. Ici, Didier Daeninckx nous fait croire qu'il s'agit du
journal de François Huet, que c'est cet instituteur qui est l'auteur de
ces lignes. Nous pouvons observer une certaine neutralité de
l'écriture, peut-être due au principe même du journal. Comme nous l'avons
déjà noté, François Huet ne donne pas d'explication sur les événements ou
les personnages. En revanche, il décrit longuement le chat Amchiche ou
encore certains paysages. De plus il personnifie parfois certains objets.
D'autre part, le vocabulaire utilisé est relativement élaboré, les
adjectifs qualificatifs sont abondants. la syntaxe reste claire. L'œuvre,
comme le précise la quatrième de couverture, est destinée à un jeune
public (à partir de 8 ans).
c) Valeur
des temps Les verbes du texte sont essentiellement conjugués au
présent. Le passé, simple ou composé est utilisé pour des flash-backs.
Ainsi, à la sixième page, un passage est à l'imparfait. Il débute avec "
Vanessa troubla l'ordre des choses, un soir de juin " jusqu' " à son
émigration ". Comme le souligne l'interruption du passé au milieu du
présent, il s'agit d'un flash-back sur le jour où Vanessa a convaincu ses
parents d'amener Amchiche en France avec eux. Cette décision a été prise
deux mois à l'avance.
d) Champs
lexicaux Le style de Didier Daeninckx est soutenu et les champs
lexicaux sont abondants.
La première
partie est complètement imprégnée par les paysages physiques et humains de
la Kabylie. Le vent faible et brûlant - les branches tordues des
oliviers - des murets de pierre grise - le chemin calcaire - la poussière
des bas côtés - la pointe rocheuse de Tigourn - lele fossé éternellement
sec qui borde la route de Tizi Ouzou. Constitués de GN enrichis de
relatives, compléments de nom et adjectifs caractéristiques des
descriptions. L'accumulation de noms propres typiques de la région
évoquée : Tigourn - Tizi Ouzou - Tigali - El Bahri - Kabylie - Tizi
- Bejela - Montagne de singes - Bousaada Mzab - El Oued - Alger
Les noms de gâteaux arabes : zlabias -cornes de gazelles -
makrouts - pâtes d'amande Les bruits liés à la nature et à la
civilisation sont importants dans le début du récit : les plaintes des
chacals, le braiment des ânes - les coqs réveilleront le muezzin qui
appellera les habitants de Tigali à la prière et au travail. Les
musiques d'Algérie sont présentes : le répertoire de Ait Menguelet - la
cassette pirate - la chanson préférée une vieille berceuse reprise par
Idir. Puis les bruits du Maghreb s'opposent dans une phrase à ceux
de France : " Au dessus de la Méditerranée, la mélodie dans nos têtes
couvre le bruit des réacteurs. " Si " la maison " est nommée
deux fois en Algérie, elle n'est jamais nommée ainsi en France
: l'ancienne poste qui sert de logement de fonction à l'instituteur-
les pièces correspondantes - le grenier - au seuil de notre chambre - dans
la salle de bain - la porte ; L'absence d'électricité au Maghreb
s'oppose à la surconsommation de télé en France : " l'électricité
promise… j'ai l'impression qu'ici, les champs, les bords des rivières sont
équipés de télés et de magnétoscopes ! " L'ennui des vieilles aux
pies arrive comme un film en noir et blanc : les veuves (noir) sont
accompagnées de pies (noir et blanc) pour aller au cimetière (blanc). La
démarche des pies est comparée à celle de Chaplin (Film noir et blanc).
Comme le chat qui passe de l'extérieur, à la maison puis à la cage
avant d'arriver en France, les personnages sont aussi dehors, dans le
pêcher en Algérie puis dans ce logement et un environnement hostile. En
Kabylie, ils cueillent les pêches au verger, en France, ils font les
courses au supermarché. Le racisme est violent par la description du
chat blessé : le crâne ensanglanté, incapable de bouger, l'oreille
déchiquetée du chat traçant des dessins pourpres sur sa robe claire.
puis tué Son œil grand ouvert ne brille plus, une mousse teintée de
vert coule au coin de sa bouche (utilisation de terme humain) Le
racisme s'exprime par le ton des lettres anonymes personne ici… ta sale
bestiole… ton chat s'opposant à nos femelles Et enfin la phrase sans
aucune ambiguïté : il n'est pas près de venir le jour où les arabes
feront la loi chez nous. La douleur morale est muette mais
puissante. Evocation des souvenirs nostalgiques, la berceuse chantée par
Idi puis la réaction à la violence : le visage barré de larmes
silencieuses. La joie de Noël vient atténuer le climat lourd. Le
bonheur du moment efface jusqu'au souvenir des pleurs. La situation
finale vient redonner un espoir par le biais des enfants dont on peut
espérer qu'ils ne seront pas à l'image de leurs parents. La dernière
partie est un bel éloge du métissage, comme un pied de nez au racisme, le
poids de la vie plus forte que la bêtise de certains humains. La dernière
phrase est un retour symbolique à Tigali. La nuit, leurs cris
interminables ressemblent étrangement à l'appel du Muezzin de
Tigali. Dans le premier chapitre, le lecteur peut déduire
rapidement que l'intrigue se situe dans un pays méditerranéen puis
Tigourn, le nom du village apparaît. Ce n'est que quelques lignes plus
loin que le lecteur peut situer Tigourn à Tizi-Ouzou.
e)
Enonciation Le chat de Tigali, en tant que journal intime, comporte des
marques d'énonciation : le jour de la rédaction est toujours mentionné en
début de chapitre. Ainsi, certains mots ne prennent leur sens que par
rapport au contexte d'énonciation. C'est le cas pour des adverbes de lieu
et de temps (ici, demain) et pour les pronoms des deux premières
personnes. Ces mots deviennent alors des indices d'une possible intrusion
d'un " discours ". François Huet est le narrateur du texte. C'est lui
qui écrit son journal et, lorsqu'il parle de lui, il utilise la première
personne du singulier. Le lecteur ne connaît de l'histoire, des
personnages, des lieux, uniquement ce que François Huet a jugé intéressant
de noter dans son journal. Les informations fournies au lecteur sont
réduites au seul " savoir " du narrateur. Il s'agit donc d'un texte
narratif à focalisation interne : nous vivons les événements à travers
lui. Le lecteur ouvre non seulement un journal intime, mais aussi des
notes. De fait, il est directement placé dans l'intimité de François Huet
et c'est à partir de la mémorisation de certains indices que se construit
la compréhension de l'intrigue.
Le principe
du journal intime est que l'auteur s'adresse à lui-même et qu'il ne
précise ni qui il est (portrait physique et moral) ni quel est son
environnement proche, quel est le cadre de l'histoire (temporel,
géographique). Cela implique donc un effort du lecteur pour tout
reconstituer (ce qui n'apparaît bien souvent qu'à la relecture), c'est
pourquoi il faut plutôt parler d'indices. Pourquoi ne pas proposer aux
élèves de faire le portrait physique du narrateur (et de décrire sa
famille) ? Énonciation distante (cf. partie 3 c. Indices sur l'état
d'esprit du narrateur et partie 4 comparaison Tigali/Saint
Martin)
L'auteur
tente de nous faire croire qu'il est le narrateur. C'est un faux journal
intime : Didier Daeninckx n'a jamais vécu en Algérie, ni exercer le métier
d'enseignant en coopération. Le fait que DD joue sur la confusion
auteur-narrateur renforce le sentiment que le livre transcrit un fait
réel, ceci fait oublier qu'il s'agit d'une fiction. Pour que le livre soit
un polar, il faut donner au lecteur le sentiment qu'il est tiré d'un fait
réel ou, au moins, que l'intrigue est possible.
En
conclusion, on peut penser que c'est un meurtre sans enquête, où
l'écriture fait l'intrigue.
e) les
noms propres A de nombreuses reprises l'auteur réalise des jeux de
mots avec les noms des personnages, leur consonance et des allusions.
- Le nom du chat Amchiche et Ame-Six - Poupoune - Eugène
Mouillot et François Mouillot - Le nom du maire Jean-Marie
Piquebois - " le cadeau anonyme : des gâteaux de toutes sortes …pâte
d'amande " p.9, - " le répertoire d'Aït Menguelet " p.9,
- les paroles de la vieille berceuse de Idir p.10
f) le
déménagement A la première page du livre, lorsque François Huet
discute avec les hommes du village, une phrase amorce l'événement, la
trame narrative : " nous parlons une dernière fois des récoltes à
venir, de l'eau, de l'électricité promise l'année précédant mon arrivée…
". " Une dernière fois " annonce un départ. De plus, cette phrase indique
que François Huet n'a pas toujours vécu là. Le terme " mon arrivée
"marque une limite temporelle que nous ne pouvons pas définir
précisément". " surpris de n'avoir pas à se faufiler entre les
vases et les figurines d'argile " p.4, " ne le laisse surtout pas
partir "p.4, " Je l'enferme dans la grosse cage achetée hier…
"p.5, " à l'échéance de notre coopération " p.5, " vient
avec nous en France [Vanessa] "p.6 , " " les souvenirs filent dans
le noir " p.7, " nos dernières valises" p.9, " le bruit des
réacteurs "p.10.
g) l'état
d'esprit Peut-on dresser un portrait moral de l'enseignant à partir
de son journal ? Est-il colérique, rancunier, tolérant ? Quels sentiments
éprouve t-il pour sa famille ? Son chat ? Son métier ? Comment perçoit-il
sa vie de coopérant en Kabylie ? Rien ne trahit le sentiment du
narrateur sur son départ de Kabylie. Cependant, la comparaison entre les
chats de Tigali et ceux de Saint-Martin (" au pelage terne " p.12,
qui mettent en valeur sa grâce " inconnue de ce côté de la Méditerranée
"), sur les éléments culturels maghrébins (fruits, bruits, vie kabyle
p.3 à 10) qui s'opposent à ceux de la France (gosses déjà fatigués, etc.
p.13) laissent penser qu'il trouvait la vie plus chaleureuse en Afrique du
Nord. Chap. 2 : départ en taxi, pas de remarque sur les
sentiments Il est également frappant de constater que les émotions sont
tenues à l'écart lorsque la famille Huet retrouve Amchiche blessé et
ensanglanté (chap. 5). Vanessa pleure en silence, ses parents auscultent
le chat : ce passage est uniquement décrit en termes médicaux. Au
chapitre 8, nous retrouvons la même distanciation lorsqu'une des "
vieilles aux pies " ramène le cadavre d'Amchiche. Elle l'a trouvé
agonisant sous une voiture. Ce passage comporte de nombreux éléments
sordides : agonie, proximité poubelles… qui, si François Huet ne décrit
pas ses émotions, transcrivent la noirceur de le scène. Chapitre 9 :
Sonia et François Huet entendent la discussion entre l'homme qui a tué
Amchiche et le maire. Une fois encore, nous remarquons l'absence de
commentaires. Le lecteur est laissé seul face à ces
événements. Cependant, François Huet note son plaisir le soir du 24
décembre en regardant sa fille ouvrir ses cadeaux : " le moment du
bonheur efface jusqu'au souvenir de ses pleurs ". L'instituteur semble
d'ailleurs avoir été davantage touché par la tristesse de Vanessa que par
ses propres émotions. Le dernier chapitre évoque lui aussi des moments de
joie partagée avec les chatons.
h)
Oppositions
|
En Algérie, une société rurale collective |
En France, une société d'individus |
|
Personnages, pour la plupart appartenant à une masse
anonyme non identifiée |
rôles |
Personnages, tous identifiables et qui se définissent par
leur fonction sociale |
rôles |
Hommes |
Les
hommes du village
Le
chauffeur de taxi |
travaillent dans les champs attendent
l'électricité appartiennent à la terre
chante
pour Vanessa |
Le
maire, le président du syndicat d'initiative, le dresseur de chiens
d'attaque : " les fins tireurs de St Martin " |
Chasseurs racistes et tueurs du chat |
Femmes |
Les
femmes |
Invisibles, mais elles ont préparé les figues et les gâteaux
pour le départ de la famille française. |
Une
blonde avec les chasseurs |
"
seule femme à porter un drapeau " |
Enfants |
|
|
Ceux
de l'école, leur rôle évoluent |
"
fatigués " offrent des chats |
Chats |
charme et majesté d'Amchiche |
|
Le chat kabyle est rejeté pour son apparence (dim 23
août) |
|
D'une part une
société rurale et collective où les gens se connaissent, sans racisme
envers la famille française. D'autres part la campagne modernisée et
technologique des pays du Nord, où le racisme se développe sous l'effet du
délitement social de la société capitaliste où les individus se croisent
sans se connaître.
Dehors en
Kabylie : gens sur la place du village, enfants (cf. chap. 4)/TV en France
: surprise de FH.
6) thèmes a) Le journal
intime et la relation auteur/narrateur Le chat de Tigali, comme
nous l'avons déjà noté, est une œuvre qui joue sur les différents niveaux
d'écriture. Le livre se présente comme le journal de François Huet :
c'est lui qui raconte l'histoire, il est le narrateur. Cependant, il ne
s'agit pas du journal complet de François Huet mais de " notes ". De cette
manière, Didier Daeninckx sous-entend l'intervention d'une autre personne
qui aurait sélectionné des passages du journal de l'instituteur et aurait
choisi de les publier. Cette personne constitue un lien entre François
Huet et le lecteur. S'agit-il de François Huet lui-même, de Sonia, de
Vanessa, d'une personne extérieure à l'histoire ? Le romancier laisse les
lecteurs libres de leur interprétation.
D'autres
livres écrits sur le principe du journal intime qui s'inscrit dans une
tradition littéraire (Le journal d'Anne Franck, Le dormeur du val
de Rimbaud et description neutre p.15 & p.21)
L'auteur
fait évoluer les relations entre le lecteur et le héros. :
Identification entre le chat et le lecteur : problèmes d'intégration,
vaccination personnification… le jour où les Arabes feront la loi chez
nous. Identification entre Vanessa et le lecteur Tout au long du
texte, échos, jeux de symétrie, oppositions, assurent la cohésion de
l'ensemble. Symétrie entre la vie du chat et de la fille du narrateur
: " Moi aussi je suis née ici … Vous allez pas me laisser quand même…
[Vanessa] "
b)
Violence et racisme Barbarie de la première agression du chat, lien
entre chat et maghrébins (se paye nos femelles), seule femme qui porte un
drapeau le 11 novembre. Aucun de nos chats n'a la même
couleur. Place des enfants de Saint-Martin : ils se sentent coupables
du silence de leurs parents et offrent les chats Un travail sur les
sources du racisme Où est le bonheur ? " Il sera plus heureux à
Tigali. " (Vend 21/08) ou bien " il appartenait à cette terre comme les
autres habitants de Tigali. "
Pistes
d'interprétation à approfondir ou à oublier Spécificité : c'est avec le
temps que le métissage et l'acceptation des chatons se fait.
7) Réseau
a) Le
journal intime Le journal d' Anne Franck Journal d' 'un
chat assassin Anne Fine Ecole des loisirs
b)
Racisme Stibane, La saison des bannis coll. Pastel, L'école
des loisirs T. Lenain / D. Durand, Vive La France Première lune
n°64, Nathan jeunesse Pavloff, Matin Brun Cheyne
éditeur Tahar Ben Jelloun, Le racisme expliquée à ma fille Le
seuil F David/ F. Rebora, Comme des frères première lune n°74 ,
Nathan jeunesse Jacquard, Tous pareil, tous différents monde en
poche n°11 , Nathan jeunesse T. Lenain - P . Poirier, Loin des yeux,
prés du cœur Nathan jeunesse
c) La
violence J. Maubille, Rachid Pastel, Ecole des
loisirs
d) La
tolérance Quinet, Marie-Rose Ecole des Loisirs Kay
Widdowson, Vive la différence Deux coqs d'or T .Serres, Le
premier livre de toutes nos couleurs Rue du monde
e) Le
Maghreb Louis Begag, Un train pour chez nous édition Thierry
Magnier G. Ben Aych , Aux quatre coins du temps Bordas A.Begag , La
force du berger La joie de lire
f) Les
chasseurs A-M. Chapouton, Janus le chat des bois Castor
poche junior, Flammarion
g)
L'opposition adulte/ enfant E. Corbeyrian / Berlion, Sous l'aile
du diable Le cadet des soupetards n°6 , Dargaud (bande
dessinée)
h) Le
chat A. Fine, Journal d'un chat assassin Mouche, Ecole des
loisirs R. Kipling, Histoires comme ça J. Y. Q. Blake ,
Le chat ne sachant pas chasser Folio Benjamin , Gallimard C.
Boujon, Je mangerai bien une souris Ecole des loisirs C. Roy,
Le chat qui parlait malgré lui Folio junior Yvan Pommaux , La
fugue Ecole des Loisirs Piotr et Jozef Wilkon, Trois chatons
intrépides Nord Sud
|